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Parole des mains

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1Parole des mains Empty Parole des mains Dim 13 Nov - 22:36

Manuela deparis


Admin


I - Le temps des soins relationnels
II - Le toucher dans la trame des jours
III - Le massage-communication


I - LE TEMPS DES SOINS RELATIONNELS
L'initiation au massage sensitif et des stages de formation à la communication tactile ont confirmé nos observations quotidiennes d'aide soignante, quant à la place importante du toucher dans la communication.

Le but des stages est la reconnaissance intérieure : ils éveillent en nous la façon dont on se situe par rapport aux trois constituants du contact (sentir, entendre, voir), et rendent ainsi possible l'utilisation du toucher en tant que moyen de communication.

Par la suite, la lecture d'ouvrages variés sur le toucher a raciné ces premières approches. Et la participation à des formations (Ramain) et séminaires (Jacques Salomé, Lise Bourbeau, Colette Portelance), nous a permis de mieux définir les soins relationnels : soigner aussi par la tendresse.
Notre expérience en Service de Soins de Longue Durée est le support de cet exposé.

À votre santé !

* La notion d'approche globale de la personne est loin d'être nouvelle car les prémisses en sont contenues dans le concept oriental du Yin et du Yang : on soigne une "personne" qui est malade et pas seulement "l'organe" malade.
Il faut replacer le corps dans un concept global et réintroduire ainsi les notions de corps subtils (émotionnel, mental et spirituel). Ce corps se nourrit et une mauvaise pensée, une agressivité même retenue peuvent dès lors devenir toxiques comme un aliment trafiqué. L'émotion, la pensée, le spirituel font aussi partie de ses besoins vitaux et influent directement la santé.
* « Tout est vibration dans l'univers » dit Einstein. L'homme se nourrit de vibrations sous des formes différentes et multiples ; une émotion, c'est une vibration ; une pensée aussi, mauvaise ou bonne. Notre santé va donc dépendre de la qualité des vibrations ainsi accumulées et intégrées.



* D'après Margeret Newman (citée par Ghislaine Ichés dans son mémoire IDE - IFSI Toulouse, "Touchez la personne âgée elle en sera touchée".), la vision holistique de la santé se résume en six points :
o - tout d'abord la santé comprend des états longtemps décrits en termes de pathologie (ex : un diabétique qui a acquis la connaissance de sa maladie et qui arrive à la gérer sera considéré en santé).
o - la plupart des états pathologiques peuvent être considérés comme des manifestations de la manière d'être au monde d'un individu (influence du stress, du deuil, de l'absence de communication).
+ - la manière d'être au monde de l'individu qui se manifeste finalement en tant que pathologie, existait avant le changement fonctionnel ou structurel appelé maladie.
+ - la disparition de la maladie ne détermine pas nécessairement un changement dans la manière d'être au monde de la personne, la maladie est un message qui "prévient" de la nocivité de son comportement.
+ - il se peut "qu'être malade" représente pour la personne la seule manière d'être au monde et de faire le point.
o - finalement, la santé est le cheminement vers une augmentation de l'état de conscience, de la lucidité et de l'harmonie avec soi, avec les autres, avec la société dans laquelle la personne vit.

La santé est un état dynamique dans lequel une personne s'adapte à son environnement et maintient ainsi un état de bien-être optimal dans toutes les dimensions de son être.
* C'est ce que dit aussi René Dubos dans L'homme et l'adaptation au milieu..
o « Le genre de santé que les gens désirent le plus n'est pas nécessairement un état dans lequel ils jouissent de la vigueur physique et d'un sentiment de bien-être, même pas celui qui leur assure une longue existence. C'est plutôt la condition la plus favorable pour atteindre les buts que se propose chaque individu... être en bonne santé c'est être capable de faire ce que l'on envie de faire. »

Guérir, un nouvel équilibre de soi

Guérir c'est "redevenir complet", retrouver l'ordre et l'harmonie à l'intérieur, entre soi-même et l'environnement.

* Françoise Rodary, médecin, dans Docteur, s'il vous plaît, écoutez-moi! , tente de donner sa définition de la guérison :
o Guérir, ce serait, après ou face à une période de perturbations, de blessures, de blocages, ou d'agressions, d'où qu'elles viennent, en prenant appui sur ses propres ressources
+ renaître à un nouvel équilibre de soi,
+ sortir de la situation douloureuse pour entrer dans une nouvelle phase de vie, dans une démarche en tendresse et lucidité, de reliance, de réconciliation :
# - avec soi-même, dans tous les aspects de soi, même les plus noirs même dans la dégradation de la vieillesse ou de la maladie,
# - avec les autres, tous les autres, même ceux qui provoquent en moi les émotions les plus douloureuses,
# - avec la vie, qui naît, qui croît, qui s'épanouit, qui vieillit et qui meurt,qui s'origine du fond des âges, et s'ouvre à l'infini.
o Guérir :
+ c'est sortir de la non-vie, c'est remettre en circulation toutes les énergies et les capacités restantes,
+ c'est renaître avec tous mes possibles, si ténus soient-ils, et cela est aussi vrai en fin de vie, ou dans la phase terminale d'une grave maladie.
o Guérir est le but de l'acte de soigner : entrer en relation, être face à l'autre, se centrer sur lui à partir de ce qu'il amène, tout en étant conscient de nos propres ressentis en interactions avec lui. Se centrer sur la personne, c'est s'intéresser à son vécu, à la façon dont cette personne vit son problème ou difficulté

Le soin relationnel, ancrage du malade

* Pour Jacques Salomé, fondateur de l'Association Française de Psychologie Humaniste, le concept de Soins Relationnels est fondé sur le principe que toute maladie ou somatisation, quelque soit l'élément déclencheur, est aussi un langage symbolique avec lequel une personne tente de dire - ou de ne pas dire - l'indicible.

o Le Soin Relationnel, c'est l'ensemble des attitudes, des comportements spécifiques et volontaristes, des actes, des paroles tant réalistes que symboliques qui sont proposés par un soignant, un accompagnant, à une personne en difficulté de santé.

Cela pour lui permettre de s'entendre elle-même, d'être écoutée et entendue, de se relier à son histoire, de rendre la relation soignant-soigné plus aidante. Avec pour effets de mieux se relier au traitement, d'entendre le sens de sa maladie, d'en saisir quelques jeux : que disons nous avec des maux qui ne peut-être dit avec des mots ?

o Dans le processus de guérison, les soignants ne sont que des accompagnateurs, des révélateurs, des libérateurs d'entraves qui permettent l'éclatement d'une vie.
o Soigner, c'est ...
+ libérer, faire renaître et vivre l'espérance.
+ refuser une relation infantilisante dans laquelle demander c'est exiger, donner c'est imposer, recevoir c'est prendre et refuser c'est rejeter.
+ instaurer une relation créative dans laquelle demander c'est proposer, donner c'est offrir, recevoir c'est accueillir, refuser c'est affirmer et où la tendresse est possible.
+ L'état de santé ou de maladie de la personne a un sens, une origine - cela quelle qu'en soit la cause - et doit être considéré en fonction de ses valeurs, de sa personnalité, de son mode de vie ; ne confondons pas le sens et la cause.
* La personne âgée est d'abord une personnalité avec, avant tout, le besoin d'être, de se positionner comme sujet et non comme objet. Besoin de demander, de dire, besoin de parole, besoin des autres.
o Ce besoin de communication et d'attachement se développe d'autant plus que la personne âgée est confrontée à des changements organiques, psychiques, culturels ou sociaux. C'est en ce sens que la maladie est une crise, une exaspération du désir, un besoin d'espoir, de communication et de compréhension. Dans le domaine de la communication, soigner comme éduquer, devient un partage de pouvoir, partage d'un pouvoir libérateur, fondé sur la relation dite besoin d'attachement.
o Pour maintenir la personne âgée en bonne santé, afin qu'elle conserve ou améliore son niveau de fonctionnement, son autonomie, il est important que la relation offerte par le soignant lui montre qu'elle existe encore.
+ En effet, nous sommes des êtres de relation, aux liens multiples, fragiles et sensibles, qui sont autant capteurs qu'émetteurs, sur lesquels toute violence introduit, induit une résonnance sur le corps.
# Faut-il rappeler que le corps est le meilleur compagnon de notre existence avec lequel nous passons l'essentiel de notre vie !
+ Si on soigne la personne âgée mais si on oublie de soigner le lien avec lequel elle se relie à des personnes significatives, la relation est souvent blessée.
# En plus de prodiguer les meilleurs soins, il faut apprendre à penser, à soigner la relation, les liens blessés, maltraités, car il y a danger d'irruption de la maladie dans le corps de la personne âgée.
+ La relation soignant/soigné passe donc avant tout par une dimension affective, le Résident en Soins de Longue Durée est lui aussi un être d'émotion avant que de raison . Si des paroles peuvent être touchantes, les gestes de la main peuvent être éloquents.
* "Bien accueillir l'autre" doit être un souci majeur pour l'équipe soignante.
o Dans ce cadre, "Parler avec les mains" permet de répondre à cette attente, de mettre à la lumière ce qui n'a jamais pu être dit : les blessures les plus profondes sont celles que l'on n'a pu médiatiser par la parole, par la mise en mots.
+ Surtout le fait de ne pouvoir être entendu par les personnes les plus chères (papa, maman, partenaire) dont nous souhaitons simplement l'écoute.
+ Les non-dits donnent lieu à des malentendus qui, non exprimés en mots, prennent le risque d'être criés en maux.
* Notre corps parle à notre place, lorsque les mots ne savent pas...
o L'action et le désir refoulés tendent à créer des blocages d'énergie qui résultent pour la plupart d'émotions enfouies, non exprimées.
+ Ils engendrent avec le temps une sorte de cuirasse : les muscles adoptent certaines postures de protection qui, à force d'être répétées, obligent le corps à prendre l'attitude correspondante à l'émotion responsable du processus concerné.
+ Pouvoir "sortir" ce qui se joue à l'intérieur de nous est réparateur ; et ce peut être le début d'un rétablissement de l'état de santé.

Les attitudes face à la personne âgée

* Une attitude est une manière relativement cohérente et durable de penser, de percevoir ou de réagir, devant un but, une idée, une personne ou une situation. Elle est composée d'éléments cognitifs, émotionnels et débouche sur des comportements qu'il n'est pas toujours facile d'expliquer si on ne se réfère pas à la culture de la personne.

* Au moment où notre culture rejette "les Vieux", nous relevons
o que la vieillesse n'est que rarement synonyme de dégradation physique ou mentale importante ;
o qu'un vieillard non actif économiquement n'est pas forcément inutile aux autres ;
o qu'un vieillard au mental détérioré, mérite peut-être un autre regard que celui qui est trop souvent porté sur lui à l'heure actuelle.
* En institution, l'accueil est le moment capital de toute relation. Aussi faut-il définir les moyens à mettre en oeuvre pour accueillir la vie qui habite la personne âgée afin qu'une relation naisse. L'acceptation est la tolérance manifestée envers les autres : elle consolide la relation entre le soignant et le soigné.
o Accepter la personne âgée, c'est s'abstenir de porter un jugement de valeur sur son état (mimiques et gestes de désapprobation) ; c'est écouter pour comprendre le message qu'elle veut transmettre ; c'est lui prouver que nous accueillons son vécu, son senti, avec respect, sympathie et compréhension.
* Au verbal le message, au non-verbal... le massage du message

o Tout comme il est difficile, sinon impossible, de modifier notre apparence générale, notre taille ou la couleur de notre peau, notre corps véhicule nos sentiments et nos réactions en présence des autres.
+ La personne âgée est à l'affût des expressions que peuvent révéler le regard du soignant, sa voix et son attitude :
# - avant toute chose, la qualité du regard va créer le contact : en échange et parfois en partage.
* Selon les circonstances, un regard soutenu traduit l'agressivité, l'amour, l'attirance ou l'intérêt ; un regard fuyant est souvent indice de culpabilité ou crainte ; un regard fixe et des muscles faciaux immobiles indiquent la froideur. Il est convenu de fixer des yeux une personne qui nous parle : cela indique l'intérêt qu'on lui porte et l'encourage à poursuivre ; en détournant les yeux, nous indiquons plutôt l'ennui ou le désir de prendre nous-mêmes la parole.
# - ensuite, le ton de la voix (reflétant les émotions) du soignant va accompagner les mots : les mots peuvent exprimer un message mais le ton transmettre le contraire. Si la voix n'est pas sincère, la personne âgée mettra en doute la crédibilité du message.
# - enfin, rien n'est plus réconfortant que le sourire du soignant : le sourire est contagieux, c'est une porte ouverte pour communiquer.
o Par son attitude corporelle et ses mouvements, toute personne transmet ce qu'elle ne peut - ou ne veut pas - dire par des mots.
+ Le comportement gestuel du soignant peut répéter, clarifier, contredire, modifier, renforcer ou réguler le flux de la communication.
# Du fait que la personne âgée a le sentiment de perdre son identité sociale lorsqu'elle entre en institution, si celui qui prodigue les soins s'exprime par des manifestations très rudimentaires telles que des grimaces, du recul, des vociférations ou une indifférence, cela ne fait que confirmer au soigné sa perte d'identité. Une telle attitude, dominatrice, ne témoigne pas de respect ni d'affection envers la personne âgée.
# Des attitudes positives du soignant - qui paraissent évidentes tellement elles sont simples - ont des répercussions favorables sur le soigné :
* - manifester notre arrivée en frappant à la porte de la chambre, saluer la personne âgée, lui dire "Bonjour !" suivi de son nom de famille, c'est lui reconnaître un statut social qui lui prouve son identité;
* - établir un contact visuel, capter son regard nécessite de se placer à sa hauteur ; se nommer, se pencher vers elle, lui montre qu'on lui porte attention (au contraire, se pencher vers l'arrière dans une position relâchée est le signe d'une certaine apathie) ;
* - lui serrer la main, justifié dans une première prise de contact, demande un moment d'arrêt, engage souvent la conversation (ou accentue le message verbal), confirme très concrètement et très chaleureusement notre présence

Nous vivons dans un jardin des sens

* L'homme est sensible à son environnement et son cerveau a besoin d'une stimulation constante, apportées par les sens, pour optimiser son activité mentale.

* Les conséquences de la perte d'efficacité des organes sensoriels - inéluctable lors du processus normal de vieillissement - se reflètent dans tous les aspects du comportement de la personne âgée et l'affectent dans sa globalité.
o L'altération des perceptions sensorielles compromet l'estime de soi : l'image corporelle est modifiée, la personne âgée perd confiance en elle et néglige sa santé. Si elle ne perçoit plus les signaux de danger, ceci menace sa sécurité. Enfin, conséquence néfaste majeure, survient l'altération de la communication verbale : la personne âgée n'arrive plus à émettre ou à recevoir des messages.
* La perception fait appel aux cinq sens - que l'on peut regrouper en sens de proximité (odorat, goût, toucher) ou de distance (ouïe, vue) - qui permettent à l'individu de garder contact avec son milieu.
o Lorsque l'individu est privé de l'un de ses sens de distance, il est plus dépendant des sens de proximité et plus principalement du toucher .(Une personne aveugle développe une meilleure sensibilité tactile qu'une personne qui a une bonne vue.)
* Le toucher confirme la réalité perçue grâce aux autres sens. Il est l'une des sensations les plus personnelles et est essentiel au processus de communication humain

o La personne âgée privée de stimulation tactile, développe de l'anxiété et modifie son comportement ce qui peut se traduire par des perturbations affectives : agressivité et même désorientation temporo-spatiale.
+ Le manque de stimulus peut la conduire à se replier sur elle-même et à s'isoler.Des signes comme l'agitation, le refus de collaborer, l'aspect du visage, expriment une insécurité, une peur ou un besoin d'affection.
o La personne démente qui reste douée d'affectivité, perd peu à peu ses points de repère et son monde lui devient chaque jour plus étrange. Le fait de lui tenir doucement la main diminue son excitation.

Crier pour jauger... la profondeur de sa solitude

* La personne âgée atteinte de troubles cognitifs, quand elle s'exprime par des cris, des phrases répétitives, adresse un message...
* Au niveau psychosocial et environnemental, Steffl (cité par Diane Saulnier dans son mémoire Réaction au toucher affectif de l'infirmière des personnes âgées qui émettent des cris répétitifs, Université de Montréal.) estime que les cris sont reliés à des sentiments de peur, d'insécurité, à une crainte d'isolement, de désorientation ou d'incapacité à communiquer sa douleur.
* Ebersole et Hess interprètent les cris comme une tentative de la personne âgée de mesurer les distances interpersonnelles et la profondeur de son isolement.
o Cela correspondrait à un besoin d'exprimer son existence et de libérer certaines émotions refoulées. La privation sensorielle et affective seraient donc des facteurs possibles expliquant la persévérance des cris.
* Certaines personnes âgées qui crient peuvent également exprimer leur peine, leur fatigue, leur tension émotionnelle, leur désarroi.
o Leur incapacité à arrêter ces cris peut correspondre au sentiment de perdre tout contrôle d'elles-mêmes. De plus, si elles manifestent de la crainte devant les autres Résidents, elles tremblent : elles ont peur de se faire frapper.
* Pour d'autres, le bruit peut devenir surstimulant et source d'irritation (comme l'est un inconfort de température).
* Un éclairage doux suscite peu de réactions. Par contre, les couleurs vives telles que le rouge ou l'orange peuvent provoquer de l'agitation à laquelle les cris sont reliés. Aussi convient-il d'offrir un milieu sécurisant, confortable et apaisant.

* La réalité quotidienne nous montre que, face à ces cris, le personnel soignant réagit différemment : certains isolent la personne âgée ou exercent des pressions auprès du médecin pour obtenir la prescription d'un sédatif ou d'un neuroleptique, d'autres ont plutôt recours à des approches plus douces telles d'offrir un bonbon ou un gâteau.
o Considérer la personne qui crie comme un être profondément malheureux de son sort sur lequel il n'a aucun pouvoir et offrir une approche affective s'avère souvent efficace pour sécuriser.

L'aggressivité, message à décoder

* Les handicaps qui retentissent sur l'autonomie de la personne, sur son image, sont souvent vécus comme une atteinte à la dignité.

o Dans une situation de dépendance face à autrui, la personne âgée lutte intérieurement avec les émotions d'agacement, d'humiliation, de crainte devant la solitude et face aux difficultés de comprendre, de communiquer.
o Devant le négativisme d'autrui, les interprétations erronées du comportement et les demandes d'aide incomprises, la personne âgée ressent des sentiments que nous pouvons sentir si nous avons une attitude empathique (Empathie : se mettre dans la peau de l'autre).

o La personne âgée stressée ou manifestant des réactions spontanées et vives, transmet des messages non-verbaux par des mouvements corporels auxquels porter attention facilite la compréhension de son comportement.
+ L'on apprend à s'exprimer par le corps avant de savoir parler. C'est pourquoi, durant l'expérience du stress, l'on peut retourner à un mode de communication d'un niveau de développement antérieur.
+ Par ailleurs, toucher jusqu'à frapper peut aussi communiquer une frustration, de la colère, de l'agressivité.
# La colère, signe de non reconnaissance, est un comportement écran pour ne pas entendre ce qui est touché en nous.
# La prise en compte de la réalité provoque la colère de la personne âgée qui l'exprime vis à vis du soignant sous diverses formes. Cette agressivité est une façon de traduire son angoisse, voire sa fureur : nous devons l'accepter sans chercher à culpabiliser. Sans nous estimer personnellement visés, nous devons comprendre que le Résident a besoin de cette sorte de défoulement.
# La colère est une émotion très importante car elle nous relie à notre système de besoins : besoin de se sentir reconnu, de se sentir exister.
# Le soignant ne doit pas pas se laisser stimuler par des comportements écrans. Par contre, montrer son mécontentement devant l'autre et jamais sur l'autre est une attitude écologique qui nourrit la relation.

o Il importe de souligner que la connaissance du vécu de la personne âgée démente a une grande importance et est nécessaire à la compréhension de certains de ses comportements.

o Certaines attitudes de base sont nécessaires pour établir un contact significatif : manifester de l'intérêt, être calme, confiant, apporte sécurité et assurance à la personne âgée. La flexibilité est aussi de la partie, les comportements des personnes souffrant de détériorations cognitives étant variables et souvent imprévisibles.

o La compréhension des phénomènes impliqués dans les déficits cognitifs conduit également à avoir une tolérance accrue aux comportements "dérangeants". Savoir que ces comportements sont non-intentionnels, non dirigés vers le soignant, qu'ils émergent d'une perception déformée des situations, des êtres et des choses, amène à développer de la patience et une acceptation respectueuse de la personne âgée (F. Ducharme, Principes généraux d'interventions auprès des personnes âgées atteintes de déficits cognitifs irréversibles.)
* Finalement, le succès de l'ensemble des interventions auprès de la personne âgée nécessite une condition préalable : la dimension humaine du soignant qui oeuvre dans le domaine de la gérontologie.
o Le contact tactile signifie cette dimension. Les Résidents, du fait de leur déficience, sentent tout, il est impossible de tricher avec eux. Le contact physique adresse un message très puissant.Les gens savent immédiatement, lorsque vous les touchez, si vous vous souciez d'eux ou si vous tentez seulement de trouver une nouvelle façon de les manipuler. Serrer la main ou toucher la personne âgée d'une manière qui lui fasse savoir que nous soutenons sa réussite dans le "faire" sont des actes de félicitations.
Ce sont aussi des actions qui permettent de lui faire comprendre que nous sommes du même côté qu'elle, même après un ton de voix élevé signalant notre mécontentement.

Redécouvrir avec tact le langage du toucher

* Il faut redécouvrir ce sens essentiel un peu oublié en thérapeutique.
o Si le toucher est peut être le plus important de nos cinq sens, il n'est pas celui que l'on privilégie : entendre, voir, sentir, goûter sont pour beaucoup l'expression première de la sensibilité. Le toucher n'est guère valorisé : ne dit-on pas jeux de mains, jeux de vilains ?
* Le toucher est un langage : le premier, que l'on utilise pour communiquer avec l'enfant, lui exprimer nos sentiments et lui montrer qu'il est apprécié. Un nourrisson malade, même très bien assisté médicalement, peut mourir faute d'avoir été cajolé, pris dans les bras, caressé. En effet, naissance est synonyme de séparation, de solitude : le corps n'est plus soutenu en permanence. Les mains de la mère sont essentielles pour accueillir et sécuriser le nourrisson en état de vulnérabilité et de dépendance extrême face à l'environnement. Le bébé dépend entièrement de son sens du toucher : des lèvres et du contact corporel en général, des extrémités de ses doigts et de toute la main ensuite.

* C'est par le toucher que tout commence, très simplement, pour l'enfant. Il lui permet de découvrir le monde à pleines mains, de plein pied, de tout le corps.(On dit sans cesse à l'enfant "Ne touche pas !" alors que ce geste lui permet de partir à la découverte du monde, de l'autre et de toucher la réalité du doigt dans le présent afin de devenir autonome. )

* La nature spécifique du toucher (relation de deux corps) laisse entrevoir toute la richesse (à travers les perceptions) et la complexité (à travers l'action) de ce sens qui met en jeu les fonctions vitales de l'individu : émotionnelles, perceptives, psychiques.
o Source permanente de connaissance et d'expérience, lieu vital avec le monde connu et inconnu, le toucher - au même titre que les autres sens - est un moyen de sentir, de découvrir, d'apprendre, tout au long de l'existence.
* En découpant image par image le scénario du toucher, on voit que :
o - toucher est une perception immédiate, une sensation pure et primitive éprouvée par l'individu sur la nature de la matière (mou/dur, sec/mouillé, chaud/froid, lisse/rugueux..). Ce ressenti archaïque appartient plus à l'enfant qu'à l'adulte, ce dernier intégrant le contact sur les plans plus émotionnels et mentaux de sa personnalité.
o - toucher est un réservoir de données et d'informations qui, ajoutées aux autres expériences sensorielles, renseigne et précise l'origine de cette matière (eau, main, chaise..).
o - toucher est un échange d'informations et de données entre le sujet et l'objet.
o - toucher s'accompagne d'appréciations, d'évaluations qui s'expriment par : une émotion (agréable / désagréable) ou un sentiment (ça me rend triste, joyeux.), ou un fantasme (ça peut me faire mal.) ou une représentation (ça me rappelle..).
* Toucher pour communiquer est acte de sensualité, nourriture affective aussi indispensable et agissante que toute autre nourriture. Acte de désir et de plaisir : " L'homme est une création du désir et non du besoin ", Gaston Bachelard, la Psychanalyse du feu.

o Nous ne pouvons pas ne pas agir et réagir au toucher, parce qu'il nous implique dans la communication avec l'autre. Que nous acceptions ou refusions ce ressenti (la meilleure façon encore de l'ignorer serait de ne pas toucher), nous l'enregistrons dans toute sa multiplicité, consciemment ou à notre insu.

* Le toucher, défini comme acte de sentir quelque chose de la main, est une simple modalité physique (une sensation) mais est ressenti surtout comme une émotion.
* Le toucher énoncé comme charge et décharge affective intense mobilise un vaste champ d'excitations sensorielles qui réagissent les unes sur les autres, donnent la "température" de l'être, créent et modifient l'échange.
* Le toucher est acte de transformation du monde, sans lequel l'humanité n'existerait pas : la sensation tactile est un puissant moyen de communiquer qui est utilisé pour réduire les distances et relier les gens.

o La personne âgée, esseulée souvent, dépressive et anxieuse, profite plus que quiconque de l'effet anti solitude du contact. Alors qu'il est l'instrument principal de toute approche de l'autre, le contact cutané apparaît comme le sens le plus périmé.

Et pourtant, tout humain a un besoin vital de toucher et d'être touché. C'est l'organe des sens le plus durable et le plus profond : il apparaît précocement avant les autres et c'est le dernier à se détériorer dans le grand âge. Le toucher peut offrir une stimulation sensorielle, réduire l'anxiété, orienter la personne âgée vers la réalité, soulager la souffrance physique, affective et relève le moral tout au long de la vie.

o Qui d'entre nous, n'a pas éprouvé le besoin d'être rassuré, réconforté ?
Le besoin de toucher et d'intimité est en général si fort que la satisfaction de ce besoin prime le plus souvent sur les craintes que son usage inadapté pourraient susciter (J. Newman, Soins infirmiers interculturels).
Ce besoin précieux s'intensifie en présence des pertes et des déficits sensoriels qui surviennent avec la vieillesse. Aussi esquiver un geste chaleureux et apaisant, oser prendre une main ou masser un visage, est-ce déplacé lorsqu'un soignant s'adresse à une personne âgée ?
Le toucher est la manifestation d'un sujet qui veut accueillir l'autre dans la transparence, dans le respect, la reconnaissance et la tendresse.
Nous parlons d'un toucher qui ne prend rien, qui n'exige rien, qui va ouvrir la confiance : le toucher doit être différencié de désir érotique seul.

Toucher, aussi, par la chaleur humaine

* Comprendre que témoigner du respect au Résident et aux besoins qu'il communique est fondamental dans une relation thérapeutique. Une attitude de respect, de souplesse et d'intérêt permet de franchir les obstacles artificiels que les cultures et les rôles imposent.
* Le respect de soi et le respect de l'autre sont des alliés de la tendresse : le respect de soi c'est être capable de reconnaître ce qui se passe en nous ; le respect de l'autre c'est être capable de reconnaître ce qui se passe chez l'autre.

o Respecter la personne âgée dans toute son individualité, c'est l'accepter dans sa totalité, telle qu'elle est, avec ses limites et ses capacités, sans poser de condition à notre assistance, à notre disponibilité, à notre écoute. L'expression émotive constitue un filon qu'il faut exploiter à tout instant. Il faut être capable de se mettre dans la peau de celle qui a perdu ses facultés mentales, de voir les problèmes avec celle qui n'a plus de mémoire.

o Respecter l'ainé, c'est aussi respecter son rythme, qui montre que nous savons que le processus du vieillissement amène un certain ralentissement dans le temps de la réaction : nous sommes disposés à lui accorder plus de temps selon ses besoins spécifiques et son état. Aussi, une voix trop forte, un débit de paroles précipité, des gestes machinaux, rapides, mettent la personne âgée sur la défensive : son "âme" se sent heurtée, blessée par de manifestations insuffisamment contrôlées.

o La personne âgée mérite tout le respect susceptible d'assurer son mieux-être. Elle veut être considérée comme un individu unique, un "je" qui veut être reconnu dans sa singularité, et qui, de par son essence spirituelle, ne peut vivre qu'avec la chaleur.
La chaleur humaine est une qualité ou un état qui développe les sentiments d'amitié, de bien-être ou de plaisir.Elle se communique verbalement, ou non verbalement : une tape sur l'épaule, un grand sourire...
La communication dans laquelle la chaleur transmise est ressentie, témoigne à la personne âgée que nous nous préoccupons d'elle. Les déclarations qui font preuve de respect répondent à un besoin humain fondamental (celui de se sentir nécessaire à quelqu'un) et renforcent l'acceptation de soi. Cette communication est un aspect dynamique de la relation thérapeutique soignant-soigné.

+ Si la personne âgée est d'une autre culture et a des difficultés à comprendre ce qui lui est dit, la chaleur humaine est capitale pour permettre une relation positive.

o L'affection et le respect sont présents dans toute relation interpersonnelle. L'affection s'apparente à la tendresse, à l'intimité et à la chaleur humaine, tandis que le respect est un sentiment plus froid, plus intellectuel et moins émotif, plus près de l'estime ou de l'honneur.

o L'humour est une composante puissante des communications car il peut créer un lien de plaisir partagé entre les gens. Étant un mécanisme de défense constructif et sain, il facilite l'expression des sentiments agressifs d'une manière relativement acceptable et permet la gestion des situations stressantes. Un humour thérapeutique ne ridiculise jamais et n'est que rarement cynique.
Quand il est utilisé à bon escient, l'humour peut non seulement améliorer la communication mais il peut aussi affecter le système immunitaire en renforçant les capacités du corps à se défendre comme le cancer ou contre des maladies des tissus conjonctifs comme l'arthrite ou le lupus .
+ La capacité de rire de soi-même avec les autres, soulage l'anxiété présente dans une situation interculturelle.
+ La chaleur humaine et l'humour : de telles communications reçues positivement encouragent, intensifient les motivations, le moral et la collaboration du Résident.

Communiquer dans (et par) tous les sens

* La communication est constituée d'un ensemble de codes que nous utilisons pour nous faire connaître, prendre connaissance de l'autre et marquer le contact.

o A un âge avancé de la vie, ne plus exister dans le regard de l'autre, ne plus se reconnaître en lui, c'est ne plus avoir besoin d'être. Aussi notre mission est de reconnaître la personne âgée, de lui montrer qu'elle existe, qu'elle est importante pour nous afin d'acquérir sa confiance. Avant d'essayer de transmettre un message verbal - ou non verbal, ou les deux - une règle de base est à respecter : il faut attirer, obtenir l'attention de la personne âgée.
+ Tout d'abord, le contact s'établit par le regard, sens par lequel la personne âgée communique en premier, les déficits cognitifs cérébraux perturbant une communication verbale facile.
+ Le regard est valorisé comme un symbole de confiance en soi, d'ouverture, d'intérêt pour autrui, d'attention et d'honnêteté ; le manque de contact oculaire est considéré comme un signe de timidité, de soumission, d'humilité, de culpabilité, de gêne, d'impolitesse ou de malhonnêteté.
# Aussi la position que prend le soignant a de l'importance : le contact visuel est intense et soutenu (le soignant portant des lunettes qui souhaite souligner un point de la conversation, enlève ses lunettes pour intensifier son regard), la rencontre se fait face à face pour que la personne âgée puisse lire sur les lèvres ce qui n'est pas entendu (le maquillage rend les lèvres bien plus visibles, plus faciles à lire ; les moustaches doivent être courtes pour ne pas masquer les lèvres).
+ Le soignant doit éviter d'approcher le Résident par l'arrière ou les côtés, ceci pouvant provoquer une réaction catastrophique qui est en quelque sorte issue d'une difficulté de perception, d'un décodage déficient des messages verbaux et non-verbaux.
+ Pendant le soin, les gestes ne sont pas accessoires : ils portent en eux-mêmes un enjeu thérapeutique essentiel. Tenir la main de la personne est un bon baromètre pour apprécier son anxiété et a, en outre, un effet sédatif. Parfois même, ce bref contact, cette étreinte, a un effet anti fatigue remarquable qui suffit pour revigorer quelqu'un.
+ Serrer sa main doucement dans nos mains permet d'évaluer sa confiance, sa crainte ou ses besoins de dépendance. Cela peut permettre de contrôler d'une certaine façon une personne âgée agitée ou encore de percevoir simplement par les mouvements de sa main, sa réaction à nos questions et attitudes.
# Prendre la main d'une personne triste, témoigne d'une certaine compréhension, lui procure une perception de partage de souffrance, laquelle n'est que la réactivation de blessures anciennes.
o Cependant, le langage des gestes est complexe. Divers mouvements agencés entre eux révèlent d'autres états d'âme et indiquent souvent ce que vit le soignant de l'intérieur. Certaines habitudes comportementales s'installent parfois et nous oublions peu à peu ce qu'elles peuvent signifier pour la personne âgée.
+ Par exemple, un geste de la main transmet une signification beaucoup plus forte s'il s'accompagne d'un regard volontaire et une poignée de main perd son caractère amical si elle s'accompagne d'un visage fermé, froid et indifférent.

La gestuelle constitue donc un mode expressif de communication dont le décodage dans une vue d'ensemble permet d'en saisir les diverses nuances.

Communication et bulles d'espace

Parler du geste et du toucher, rencontre non verbale, nécessite d'aborder la notion des distances chez l'être humain. L'antropologue E. T. Hall a montré comment l'homme utilise l'espace en tant que produit personnel et culturel nécessaire à son équilibre.

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* Hall a défini quatre zones qui sont des sortes de bulles d'espace autorisées à notre corps et qui sont autant de territoires de valeur différente :
o en distance publique, plus de 7 m, le corps s'offre à la vue de façon globale mais lointaine et la communication se limite à des discours.
o en distance sociale, entre 3,60 m et 1,20 m, la communication peut s'établir : il suffit de maintenir le regard et d'élever la voix.
Implication en pratique de soins : le fait de parler d'une voix forte, au chevet de la personne âgée, instaure de la part du soignant une distance sociale fictive. Une telle stratégie évite d'être touché émotionnellement mais malheureusement au détriment d'une relation bénéfique.
o en distance personnelle (de 1,2O à 0,45 m) on peut se saisir physiquement d'autrui. La vision du visage devient précise. Cette distance se prête à des contacts proches, permettant des discussions sans élever la voix.
o en distance intime (de 0,45 m jusqu'au contact physique), la vision est très focalisée sur les détails du corps d'autrui, la voix peut être baissée car le murmure suffit pour s'entendre.
+ Cette distance varie de "très proche" (de 7 à 15 cm) pour un secret, une communication intime, à "proche" (de 20 à 30 cm) pour une information confidentielle, à "près" de quelqu'un (de 30 à 45 cm) pour parler à voix douce. L'engagement corporel et le contact physique dominent la conscience de chacun. Dans une telle proximité, le toucher vient compléter fortement la communication verbale. C'est la distance du geste des soins.
* Nous avons donc tous notre bulle d'intimité, un certain espace autour de notre enveloppe cutanée où nous n'acceptons pas n'importe qui.
o Il est essentiel de bien évaluer la distance psychologique où nous situe la personne âgée : faire intrusion soudainement dans son territoire et l'approcher par surprise laisse prévoir un échec.
+ Ainsi, l'intégrité corporelle est compromise au moment où le soigné appelle et redoute à la fois le secours souhaité.
# Le soigné l'exprime par la position de son corps, la fermeture de ses bras, la tension de son dos, de ses épaules, qui sont des signes spontanés, réflexes traduisant l'indésirable présence de l'autre.
* Il faut que ce langage soit "entendu" par le soignant, car ce sont les signaux qui lui disent : "n'approche pas trop près, j'ai peur!"
o Le soigné peut nous accepter ou nous refuser dans "sa bulle" : le soignant "refusé" devra savoir "passer la main" à un autre, mieux accepté.
+ Mais parfois nous sommes les forgerons de nos propres chaînes, de nos propres interdits : l'intrusion à contre coeur, dans l'intimité de l'autre est perçue par lui et fait obstacle à la communication tactile.

Cultures et toucher

* Mode instinctif et culturel des contacts, le toucher diffère suivant les époques et les ethnies, tisse la trame des relations humaines, perpétue aussi certains schémas aliénant de la communication. Le toucher - ou l'absence du toucher - a une signification symbolique et culturelle qui est un comportement appris.
o On observe un codage différent selon les sociétés.
+ Certains Indiens Américains interprètent une poignée de main vigoureuse comme un acte agressif et sont choqués par une poignée ferme et prolongée.
+ Les Vietnamiens peuvent craindre de heurter l'épaule de quelqu'un puisqu'ils croient que l'âme peut quitter le corps à la suite d'un contact physique et qu'une maladie peut en résulter. C'est la tête de l'être humain qui est pour eux le siège de la vie, elle est donc très personnelle.
+ Whitcher et Fisher rapportent dans une étude hospitalière que les femmes montrent des réactions étonnamment positives au fait d'être touchées, se manifestant par un abaissement de leur pression sanguine et de leur niveau d'anxiété préopératoire.
# N'Guyen et Coll et Hollender (Cité par Diane Saulnier dans S'accommoder des pertes sensorielles : le toucher, Université de Montréal.) expliquent que chez la femme, le toucher effectué par un individu de sexe opposé est considéré comme l'expression d'amitié, de chaleur, d'amour, de réconfort et de protection. La population féminine montre une plus grande réceptivité que le sexe masculin au contact tactile en provenance des personnes étrangères. Les hommes, eux, craignent l'envahissement de leur territoire, si aucune justification du toucher ne leur est offerte au préalable .
+ Sans tenir compte du sexe, il a été démontré que ceux qui sont le plus mal à l'aise avec le toucher, sont ceux qui sont le moins à l'aise avec les autres moyens de communication et ont le moins confiance en eux ( J. Newman, Soins infirmiers interculturels).
+ D'autres études ont montré que ceux qui touchent le plus, sont les moins soupçonneux et craignent le moins les motivations et les intentions des autres. Ce sont eux aussi qui ont le moins d'anxiété et de tension dans leur vie quotidienne.
+ Les messages relationnels négatifs et les tabous ennemis du contact gestuel entrent en jeu pour freiner le contact, de même que le regard et/ou le jugement d'un tiers.

# Nous avons reçus lors de notre enfance des interdits culturels et ils se sont inscrits dans notre histoire. Ils font partie de notre imaginaire corporel et constituent des barrières, des paramètres, des interdits qui nous empêcheront d'entrer en contact ou de partager la tendresse.

La signification que l'on accorde au toucher dépend du vécu de chacun, de son éducation. Les facteurs tels que l'âge, le sexe, la situation ( Dans certaines situations, le toucher peut être déconcertant car il est signe de pouvoir : il est habituellement considéré comme peu convenable qu'un inférieur touche un supérieur.) et le besoin de se sentir proche de quelqu'un, influencent directement les réactions de l'individu. L'ensemble crée des difficultés à oser : oser aller vers l'autre, oser recevoir.
# Le message que communique le toucher dépend à la fois de l'attitude des personnes en présence et de ce que veut dire "toucher" pour chacune d'elles.
* Le soignant utilise le toucher de manière délibérée, avec empathie, centré sur la personne âgée et attentif à ses réactions de façon à éviter d'être perçu comme indiscret.

o Le toucher peut prendre la forme d'une poignée de main, d'une caresse, d'un massage ou tout simplement d'un bras offert en guise de support.Le toucher nous "connecte" à la personne âgée en démontrant notre disponibilité et rassure en témoignant intérêt, encouragement, confiance, douceur et sécurité.
o À la différence de la vue et de l'ouïe, la communication tactile induit nécessairement une réciprocité, ce qui lui confère une place particulière : elle est plus appréciée par la personne âgée quand le soignant se laisse toucher à son tour. Être touché est très valorisé, recherché et toucher signifie partager tendresse, intimité, enthousiasme et bonheur.
Toucher par une agression physique ou intrusion envahit l'espace, l'intimité personnelle et place autrui en position d'infériorité (relation négative).

Le "toucher affectif" (Expression de Diane Saulnier, Directrice des soins infirmiers du CH Côte des Neiges à Montréal, ouvrage cité.)

* Toucher n'est jamais un acte neutre, sans portée.
o Simple en apparence, il peut construire et détruire l'individu : dégoût, peur, plaisir, désir sont autant de réactions qui déterminent la qualité de la communication.
* Le toucher doit être thérapeutique, c'est à dire qu'il ne doit pas infantiliser la personne âgée, ni être interprété comme de la condescendance : on ne "tapote" pas, par exemple, la tête de la personne âgée assise dans un fauteuil roulant.

* Le toucher affectif a des effets, entre autres, sur le sentiment de bien-être, sur l'estime de soi, sur l'expression verbale des sentiments, sur le niveau d'anxiété, sur le niveau d'attention et d'orientation spatiale. Par ces effets thérapeutiques qu'il est difficile d'évaluer avec précision, ce toucher aide grandement à accomplir nos actes de soins et, bien utilisé, il les rend plus humains.
o Il répond au besoin d'affectivité de la personne démente et favorise la conscience de l'environnement extérieur.
o Il consiste à établir un contact tactile avec la personne âgée qui crie, qui est agitée ou agressive, durant une courte période.
o Ce contact offre une présence, un support à la personne, permet d'observer les messages non-verbaux et d'écouter les paroles compréhensibles.
* Le toucher affectif demande du discernement, du respect et de l'authenticité. Le soignant doit l'utiliser de façon judicieuse dans un déroulement par étapes :
o - s'approcher de la personne, la nommer puis se nommer.
o - une main du soignant est constamment en contact avec la personne durant la rencontre.
o - la séance débute en prenant fermement une des mains de la personne âgée.
o - l'autre main du soignant, par la suite se place doucement sur le dessus de la main qui est prise, puis sur l'avant-bras et l'épaule.
o - le soignant caresse délicatement le visage de la personne puis redépose sa main sur l'épaule, l'avant-bras et la main prise au début de la séance.
o - selon les réactions de la personne âgée, le soignant exerce plus ou moins de pression sur les parties du corps touchées.
o - la communication verbale est limitée à la répétition à intervalles réguliers du nom de la personne et de la phrase : "Je demeure avec vous" ou "Je suis avec vous".
o - avant de terminer la séance du toucher affectif, le soignant serre amicalement la main de la personne âgée, en la renommant suivi de "au revoir".

Si la relation s'avère très significative, il est important de la maintenir, puis de la réduire très progressivement. (La perte subite d'une relation significative provoque des réactions affectives trop importantes.)

* Un toucher approprié comme poser la main sur le front, tenir la main ou simplement le contact sur ou autour d'une partie endolorie du corps, quand cela est possible (absence d'une inflammation, de traumatisme) aide à réduire l'anxiété et la douleur, à la rendre plus facile à supporter et offre approbation et renforcement.
o Après un coup, on frotte machinalement la zone contuse : réflexe pour "effacer" la douleur. Les mouvements de la main ont un effet calmant.

Accepter l'idée que chacun est différent et unique, implique la responsabilité dans la relation.Cette relation, comment la construire et la vivre ?

Entrer en reliance par l'intelligence "du coeur

* Si nous voulons signifier quelque chose à la personne âgée ou lui porter aide, nous devons agir avec affection : écouter sans déformer, proposer sans imposer, vouloir aider et non dominer, inviter à la vie tout en respectant le libre arbitre de la personne.

* Lorsqu'un individu veut communiquer, c'est qu'il est demandeur d'une écoute pour pouvoir exprimer sa douleur, sa souffrance : ceci est le pain quotidien de notre activité de soignant.
o Écouter signifie simplement se centrer sur la personne, sur ses émotions, sur ses messages, tenter de les entendre et accuser réception de notre écoute. L'important n'est pas de savoir mais d'entendre. Lorsque nous ne savons pas, nous passons au "senti", cette intelligence du "coeur" ou empathie.

o Par sa façon d'être, de faire, la personne âgée émet des messages. L'écouter est la démarche lui permettant d'exprimer sa maladie, son histoire : la sienne, la seule qui prend sens et signification pour elle.
Elle relie son histoire aux autres événements de son passé, se relie à elle-même, elle entre en reliance , selon l'expression de Jacques Salomé.
+ Après cette écoute, simplement, nous confirmons aussi fidèlement que possible, ce que nous avons entendu, vu, perçu, pour permettre à la personne âgée d'en exprimer un peu plus.
+ Nous l'accompagnons dans sa propre écoute, nous l'invitons sur ce chemin pour lui permettre d'accéder au sens de sa maladie, d'entendre son corps-langage, de retrouver les mots ou les pleurs qui crieront sa blessure.

o Entendre et confirmer les émotions que nous percevons chez la personne âgée, c'est communiquer, mettre en commun soit des différences soit des ressemblances, entrer directement en relation à partir de deux besoins fondamentaux :
+ - besoin de se sentir entendue dans ce qu'elle dit, à un moment précis, sans rejet, sans que l'autre l'enferme ou l'identifie tout entière dans ce qu'elle exprime.
+ - besoin d'être reconnue dans son unicité, avec la part de mystères et de possibles qui l'habitent et dans ce qu'elle éprouve.

o Inviter plutôt que questionner est un mode possible d'entrer en relation.
+ L'écoute se fait aussi par les mains, par le regard, par le rythme respiratoire et cela est loin d'être rare dans nos soins où le corps du Résident est le lieu privilégié de notre rencontre où le toucher prend une place primordiale.

+ Symboliser, c'est suggérer, c'est respecter, c'est faire confiance aux ressources de la personne pour entendre ce qui se joue en elle.
La relation étant ce qui relie deux personnes, tout ce qui va physiquement de l'une à l'autre peut la symboliser : une écharpe par exemple. Il s'agit de mêmes points de repères essentiels : je ne suis responsable que de mon bout de la relation, me différencier de l'autre, sortir d'un "nous" pour entrer dans un"je" relié à un autre "je".
# Lors d'un séminaire avec Jacques Salomé, j'ai découvert que l'écoute se travaille : elle demande rigueur et méthode, elle nécessite plus que du savoir-faire : " être" face à l'autre, centré sur lui et dans le même temps, à l'écoute de ses propres perceptions.
* Quelque soit le sens de la relation, il ne faut pas confondre sujet et objet : le sujet est la personne qui s'exprime, l'objet, c'est ce dont elle parle.
# La mise en mots grâce à l'écoute a une valeur thérapeutique, elle permet à la personne de s'entendre et cela est libérateur : elle invite à achever un deuil, lâcher un ressentiment, à se libérer d'une oppression, à oser dire une parole prisonnière.
* Chez une personne blessée et souffrante, toutes les réminiscences de sa vie peuvent oser se manifester car tout peut être dit, tout peut être entendu sans danger et sans limite. Soigner avec tendresse dans un climat chaleureux, respectueux, rieur, dénué de tout jugement, complètement tolérant, offre une sécurité dans la confiance et permet à la vie de "danser".

La tendresse se nourrit aussi de silences

* Développer notre capacité à "recevoir" est un autre allié de la tendresse.
o C'est d'abord accepter de recevoir les marques d'intérêt, d'attention, d'amour. Il faut oser inventer des formes nouvelles de relation, désapprendre les habitudes : nous oublions souvent que nous sommes générateurs de tendresse.

* La tendresse est un sentiment fondamental de sympathie, d'altruisme, un témoignage d'affection.
La tendresse ne se parle pas beaucoup, elle s'exprime avec les multiples langages du corps.
Le langage non-verbal très révélateur, en dit autant sinon plus, que le langage parlé qu'il renforce ou contredit.

Jusqu'aux rires ou aux larmes, les mimes savent nous émouvoir sans jamais prononcer un seul mot. Ils nous parlent avec leur corps, qui exprime des émotions si profondes qu'aucune phrase ne peut les traduire.

Elle s'exprime aussi dans le contact tactile, dans un geste qui "écoute" le senti des réactions de l'autre et ouvre les chemins de la rencontre des émotions : par exemple, placer nos mains, une dans le dos, l'autre symétriquement sur la région ombilicale de la personne âgée, en amplifiant notre respiration, l'accompagne dans l'écoute de l'émotion qu'elle vit.

* Le silence est parfois un véhicule décuplant la communication tactile.
o Dans l'harmonie des gestes improvisés et accordés, la tendresse se partage si on y est attentif. Le silence n'est pas synonyme de vide, d'absence, bien au contraire : il est riche en mouvements internes. Il faut donc l'accueillir, lui faire place en l'écoutant par une vraie présence. Si le soignant manifeste de l'impatience, il brise les efforts que fait le soigné.
+ Le silence indique que toute réponse est acceptée et peut alors apaiser une situation tendue. Savoir se taire est la reconnaissance du besoin d'intimité de la personne âgée. Oser répondre à son silence par le nôtre, sans en avoir peur, est une communication plus sensitive ou intuitive pendant laquelle il peut se passer beaucoup de choses, au delà des mots mêmes.
+ Le silence est ouverture à la manifestation du respect pour ce que l'autre vit, ouverture à l'expression d'un partage de ce vécu, à une espèce de complicité qui s'établit entre deux êtres.
* Le regard, le silence, le soupir, la modulation de voix, le geste sont les éléments du langage non-verbal, langage en définitive de l'évocation, de l'écho, de la résonnance, de l'harmonique, langage de la chose ressentie tout autant que de la chose dite.
C'est pourquoi affiner la compréhension de l'autre nécessite aussi d'avoir une activité d'analyse perceptive tournée vers soi.
* Joël Savatosfski écrit : « À la fois contact avec l'autre et moyen de connaissance de soi, le toucher est un véritable révélateur de notre personnalité parce qu'il touche à l'intime, il nous rend en même temps vulnérable et puissant.»
* Pour toucher juste, il faut aimer la vie, l'organisme vivant qu'est l'être humain : un univers passionnant.
Savoir où l'on est, ce que l'on fait, être en équilibre sont les conditions nécessaires à toute action juste. L'équilibre doit donner la pleine conscience de tout l'espace et non pas d'une seule direction : c'est être disponible dans toutes les directions.
* Les messages reçus par la peau sont d'une grande importance et dans la plupart des cas, porteurs d'un contenu sécurisant et agréable. En effet, ils aident la personne âgée à se structurer harmonieusement en tant que sujet et à rechercher d'autres formes de relation avec l'autre.
* Souffrant d'isolement social, la personne âgée que personne n'approche, ne touche plus depuis longtemps, est sensible au toucher qui lui prouve qu'elle n'est pas rebutante malgré sa vieille peau : elle en sait gré par un sourire, une attitude calme, un comportement moins récalcitrant, une réaction d'éveil, un chant, l'expression de plaisir, la collaboration, la reprise des activités, mille remerciements du corps et des yeux.
* Le contact tactile entre deux personnes signifie la rencontre d'êtres vivants mais, les Résidents, selon leur origine ethnique, leur culture, et leurs expériences personnelles ne réagissent pas tous de la même façon, à la proximité physique. Cependant, quand toucher et être touché se traduisent par vitalité, lorsque les personnes âgées, avec leurs caprices et sautes d'humeur ne sont plus étiquetées en "râleurs", "infernaux" ou "hurleurs", quand l'affection est visible et donnée, nous sommes sûrs que proximité veut dire liberté.

21 juin 1991
Monique Zambon
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